La reconquête de nos campagnes, une opportunité unique pour le pays.

ÉVènement

La reconquête de nos campagnes, une opportunité unique pour le pays

Suite au « 1er  colloque européen  sur la nouvelle ruralité » qui s’est tenu jeudi 20 et vendredi 21 mai à Rennes sur le campus The Land avec des intervenants tels que Jean Jouzel, Jean Viard ou encore Pierre Méhaignerie, il me semble important de revenir sur ce thème de la Nouvelle Ruralité dont la proposition raisonne presque comme une promesse de campagne (élections départementales, régionales et nationales approchant obligent), voire comme un oxymore.

Un slogan de campagne parce qu’en cette période préélectorale, la campagne revêt soudainement un intérêt aux yeux de nos décideurs candidats. Les gilets jaunes sont passés par là, la covid aussi et les thèmes à la mode aujourd’hui sont le bien-vivre, le bien-manger, le bien-produire, le bien-consommer.
Bref on veut du bien partout autour de soi et il semblerait que ce partout se situe plutôt en campagne ! En témoigne le regain d’intérêt pour le marché immobilier dans les villes moyennes, petites villes et à la campagne. En témoignent encore ces hommes d’affaire parmi les plus brillants qui sont aussi souvent parmi les plus prédictifs parce qu’ils ont cette capacité à voir avant tout le monde où se nichent les bonnes affaires, ceux-là sont aujourd’hui nombreux à miser sur la terre. B Gates en tête, devenu discrètement et dans l’indifférence générale, premier propriétaire foncier aux Etats-Unis !

Vers une nouvelle ruralité, un oxymore parce que ce qui définit en premier la ruralité, c’est le terroir, le patrimoine, le savoir-faire, un certain art de vivre enraciné dans une histoire, tellement enraciné que ces dernières décennies, c’était même devenu un monde qui n’avait presque plus cour. Dans ces conditions comment faire se juxtaposer des mots comme NOUVELLE et RURALITE qui n’ont apriori rien à faire ensemble ? Reléguées au rang des terres oubliés, nos campagnes faisaient figure de terres abandonnées, de terres tout juste bonnes à être cultivées par quelques poignées d’agriculteurs, de moins en moins nombreux, à qui on demandait de produire pour 80% de la population concentrée en ville.

On a longtemps cru en effet, on nous a longtemps vendu que le plaisir était ailleurs, dans ces grandes métropoles qui offraient confort, luxe, biens de consommation à chaque angle de rue. Des immeubles nombreux et confortables pour se loger, du goudron pour ne pas se salir les chaussures, des espaces verts domestiqués et du travail en col blanc. Légende urbaine ou vrai paradis sur terre, l’attractivité des villes n’a en tous cas jamais été démentie pendant près d’un demi-siècle. La ville a bien fait l’objet de critiques, mais à chaque elle a su se draper de nouveaux apparats, se renouveler au travers des plans d’urbanisme, revisiter sa manière d’habiter l’espace. Jamais pour autant dans une logique de rééquilibrage dans l’occupation des territoires !

Dans ces conditions comment pourrait-on même parler de nouvelle ruralité ? Quoi de neuf sous le soleil de nos vertes prairies aujourd’hui, me direz-vous ? Et d’ailleurs faut-il même y songer, l’évoquer, le souhaiter ? Les urbains jusqu’au bout des ongles diront qu’ils sont bien ainsi. Les ruraux qui veulent préserver leur terre et leur « chez eux » peuvent manifester, craindre l’artificialisation des sols, une certaine forme de dénaturation de leurs espaces et modes de vie.

Sauf que le statu quo ne semble pas faire le bonheur de tous ? Si la ville est formidable pour ceux qui ont les moyens de se l’offrir, elle reste difficile à vivre pour ceux qui ne peuvent accéder à ses charmes.

Sauf qu’un virus est passé par là, il a arrêté la marche du monde. Les avions ont replié leurs ailes, les bateaux ont resserré leurs amarres, les trains sont restés à quai et les voitures au garage pendant que derrière nos écrans on nous montrait un sanglier se balader dans les rues de Barcelone, ou encore un requin-pèlerin s’aventurer dans le port de Brest. Situation étrange ! Chacun chez soi, enfermés dans quelques mètres carrés, nous nous sommes retrouvés avec nous-mêmes, avec ce sentiment que nous avions peut-être construit notre propre prison, une prison moderne aux quelques mètres carrés plus ou moins grands, plus ou moins nombreux, c’était selon, selon qu’on avait le privilège ou non d’être installés à la campagne. On a appris, dans ce moment extatique, à vivre autrement avec un temps de cerveau disponible libéré en partie des agressions du quotidien et des stimulations publicitaires. Libérés des paradis artificielles, des addictions de toutes sorte, j’entends du shopping, du rythme métro-boulot-dodo…, nous avons revu notre hiérarchie des valeurs. Et puis peut-être aussi qu’on a tout simplement pris la trouille ?

Les sondages sur les aspirations de vie des français nous montraient déjà que le mouvement était enclenché mais l’épidémie sanitaire qui a frappé la planète entière a sans nul doute accéléré le phénomène

Bref dans un monde où le mariage semble consommé entre les politiques et les électeurs, en France et ailleurs, dans un monde marqué par la montée des extrêmes, dans un monde où les fractures sociales sont de plus en plus nombreuses ou les inégalités économiques subsistent ou les richesses ne semblent plus justifiées par l’effort ou la contribution des hommes au bien commun, dans un monde menacé par la financiarisation, le réchauffement climatique, mon pronostic, c’est que demain s’écrira dans la ruralité. Lorsqu’on est en perte de sens et de repère, en effet on a besoin de se raccrocher à l’essentiel. Or, l’essentiel, c’est cette terre nourricière sans laquelle l’humanité n’est plus. Je ne crois pas un seul instant à la fin des villes, à un exode urbain massif, mais je crois à une évolution tendancielle et structurante avec des mouvements de population qui vont s’opérer sur deux ou trois décennies et qui aboutiront à des villes plus habitables, plus vivables et à des campagnes plus habitées et plus vivantes.

Quels seront les acteurs de la ruralité de demain ? Quels en sont déjà les pionniers ? Comment faut-il penser les conditions de cette reconquête de nos campagnes, avec sobriété et intelligence évidemment, mais les évidences étant parfois plus difficile à mettre en œuvre qu’il n’y paraît, c’est dans une nécessaire démarche prospective que s’est inscrit le 1er Colloque européen sur la Nouvelle ruralité, réunissant un certain nombre d’acteurs et d’experts pour nous éclairer sur la bonne manière d’entreprendre la ruralité de demain. Les conclusions de ce colloque seront disponibles prochainement au travers une publication accessible à tous.

Jean-Marc Esnault

Directeur Général The Land
Fondateur et organisateur du 1er Colloque Européen de la Nouvelle Ruralité
Fondateur du Think-Tank Terre d’avenir – Tomorrowland